Chamonix : une belle rencontre

Le mois de mai arrivé, nous prenons la route pour notre destination favorite, Chamonix….
Cette année notre trajet passe par l’Auvergne et c’est avec plaisir que nous avons séjourné dans un château situé dans une région que l’on appelle la petite Toscane au milieu d’un grand parc planté d’arbres centenaires et aux jolies allées gravillonnées roses.

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Notre chemin nous a menés par Usson, petit village pittoresque que nous avons visité en admirant la chaîne des Puys.


Cette année, le voyage s’effectue avec l’Amie Blonde (j’adore ses coiffures toujours distinguées et sa gentillesse). Elle est accompagnée de son Sacré de Birmanie. Il s’appelle Amadeus, c’est un beau nom ne trouvez-vous pas ?


Nous sommes deux gentlemen, c’est vous dire que le trajet s’effectue en harmonie totale.
Lui, voyage, altier, sur les genoux de sa maîtresse. Moi, princier, sur la banquette arrière.
La route me plaît, comme d’habitude les paysages défilent sous mes yeux intéressés.
Heureux de nous installer, nous retrouvons chacun, chacune, avec plaisir, nos chambres habituelles, douillettes et spacieuses, face aux Aiguilles de Chamonix et au Mont Blanc.

Chamonix nous accueille, en cet fin de dimanche après-midi sous une chaleur inattendue, quasiment 30° sur la place de la Brocante où il fait bon fureter les vieux objets de montagne.


Le lendemain matin, la surprise est de taille ! Chamonix, dans la nuit s’est habillé de blanc ! C’est merveilleux, il neige ! De très gros flocons virevoltent et nous tapissent notre paysage d’un joli manteau blanc. Vite, on s’emmitoufle et on part faire des photos.

Cette première journée se passe dans une ambiance hivernale, mais dès la fin de l’après-midi le soleil revient et le lendemain nous pouvons faire les excursions prévues.
Nous prenons la route vers les Houches en passant par le lac des Gaillands, promenade charmante et verdoyante. Nous continuons notre journée « lacs » par le plateau d’Assy.


Nous pouvons y admirer l’église Notre-Dame-de-Toute Grâce. Solidement ancrée au sol, elle est décorée par les meilleurs artistes de l’art moderne. Sa façade est de Fernand Léger, l’intérieur est un endroit privilégié d’Art Sacré du XXème siècle. Le bénitier en marbre de Carare est magnifique.


Notre promenade continue jusqu’au lac Vert, où une marche très agréable nous permet d’en faire le tour. Il porte bien son nom. Les arbres se reflètent dans ses eaux calmes et limpides. L’endroit est reposant. Nous en profitons.


Sur le chemin du retour, nous faisons quelques emplettes à Sallanches puis nous rejoignons notre hôtel où, après cette journée bien remplie, je m’endors avec délice pendant que les filles vont tester les menus du chef Mickey Bourdillat au Matafan (petite parenthèse, elles reviennent enchantées).


Le matin 25 mai, frais et dispos, nous allons voyager « ascensationnel ».
J’explique : à la gare de Chamonix (où nous découvrons Véronique Béjot et Ked Adams en train de tourner un film) nous prenons le Mont Blanc Express via la Suisse. Notre but est d’atteindre la barrage d’Emosson. Trois trains différents vont nous y conduire.


Arrivés au Chatelard, nous prenons le Funiculaire, avec son toit panoramique, il nous emmène à 1825 m d’altitude, c’est impressionnant, sa pente est à 87%.
C’est un voyage VER-TI-CAL !


A la gare des Menuires un autre train panoramique, entièrement ouvert, nous emmène à flanc de montagne. Nos yeux sont éblouis et subjugués par la vue sur la chaîne du Mont Blanc et les gorges du Bouqui.


Le dernier tronçon du voyage se fait avec le Minifuc. Il nous amène au barrage d’Emosson.


A la descente, les patinettes un peu frileuses, je laisse mes empreintes dans la neige fraîche (elle est tombée il y a trois jours) et elle a embelli (si c’est possible) encore plus notre panorama.
La marche vers la Chapelle dédiée à Notre-Dame des Neiges, nous permet d’admirer à 360° un décor féérique.


Toutes ces émotions (ce n’est pas rien une montée aussi abrupte !) nous ont creusé l’appétit et c’est avec bonheur que je vois arriver sur notre table, au restaurant du Barrage, une assiette de charcuterie valaisanne qui se déguste sans fourchette ! Je hume avec délectation tout en admirant au loin le Mont Blanc sur fond de ciel d’un bleu intense !


L’après-midi, nous nous promenons le regard tourné vers la Suisse et ses sommets.


Notre retour en train(s) est aussi joyeux que l’aller. Que du bonheur ! Encore une belle journée à noter au crédit de mes souvenirs.


Un autre jour, nous sommes allés dans le massif des Aiguilles Rouges à la Cascade du Bérard en traversant le village de la Poya vers le mont Buet.


Au début du 20ème siècle, le Buet (3096 m) était appelé « la mont Blanc des dames ».
Sur le chemin, nous nous sommes arrêtés au village du Tour, c’est là qu’est né Michel Croz (vous découvrirez sa vie quand j’irai à Zermatt).


Nous avons croisé des Hérens, ces belles vaches qui font des combats de reines. Elles avaient des senailles qui égayaient la douce vallée au rythme des pas des vaches qui broutaient tantôt nonchalamment, tantôt toutes guillerettes…. Peut-être portent-elles une Devouassoud, ces célèbres cloches fabriquées à Chamonix et qui demandent cinquante et une opérations pour parvenir à donner ces sons cristallins qui résonnent dans les montagnes l’été.

Après toutes ces promenades je suis bien fatigué, je n’aspire qu’au bonheur d’une grande sieste. Alors quand ma maîtresse me dit « cet après-midi : jour de shopping » les deux matous que nous sommes, restons sagement sur nos balcons ensoleillés en attendant le retour « des filles ».
Ma maîtresse partie, mon balcon ouvert au dessus de l’Arve , je suis installé dans un fauteuil sur un pouf bien moëlleux. Je m’apprête à profiter d’une sieste digne d’un matou qui va se laisser bercer par le bruit du torrent.
Alors que je m’assoupis doucement bien lové sur le coussin moelleux, j’entends une petite voix en provenance du balcon mitoyen qui fait « psitt, psitt ». J’entrouvre un œil, nonchalant, je l’accorde. Est-ce pour moi ?
Le « minou-minou » qui suit me conforte dans l’idée qu’il faut que je m’éveille un peu plus. J’en profite pour m’étirer de toutes mes pattes avant et je jette un regard sur l’ombre qui se projette à ma droite.
Je découvre une petite grand-mère, ridée comme une jolie pomme en fin de saison. Foi de Normand !
Je sens que nous allons faire plus ample connaissance et en guise de bienvenue, je lui miaule un miaou aimable et encourageant. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle entame la conversation !
Elle s’installe doucement sur son fauteuil, elle aussi, et là, va commencer le plus long récit que je n’ai jamais entendu en vacances.


Elle commence par me complimenter sur mon beau pelage et mes yeux verts expressifs (ça me flatte, ça me va !)
Elle me confie être au soir de sa vie et venir se reposer dans un lieu qu’elle a découvert il y a bien des années maintenant et qu’elle aime revoir régulièrement.
J’apprends qu’elle a 95 ans passés mais elle semble encore bien alerte et puis elle dégage tant de gentillesse.
Vois-tu greffier, me dit-elle, quand je suis née c’était, disait-on, le début des années folles, au siècle dernier. Mais moi je suis née dans un petit bourg de campagne, loin de la capitale, d’un père charpentier et d’une mère « occupée au ménage » comme on disait. Les années folles on ne les ressentait pas tellement dans notre campagne.
Nous n’étions pas riches, mais la vie s’écoulait joyeusement entourée de mes deux parents, je vivais heureuse et confiante.
Quand j’ai eu 7 ans, maman est tombée brusquement malade et un soir on m’a simplement annoncé qu’elle « était partie au ciel ». La petite fille que j’étais s’est trouvée bien désemparée et bien triste, mais sans vraiment réaliser comment sa vie allait changer.
La gaieté d’auparavant nous a abandonnés, mon père et moi, et comme il a dû aller travailler dur, on m’a confiée à mon oncle et ma tante qui vivaient dans une ferme dans le bocage.
Quel changement ! Un peu à l’école, beaucoup aux menus travaux de la ferme.
Quelques années se sont écoulées et mon père, lui aussi, nous a quittés pour toujours. J’avais 13 ans et j’étais définitivement orpheline.
Courte enfance heureuse ! Courte jeunesse à l’école !
Je travaillais dès lors à temps plein à la ferme et la vie, encore à la bougie, s’écoulait bien lentement par rapport à celle d’aujourd’hui, avec ses lots de surprises et de découvertes.
Quand j’ai eu 17 ans, j’ai rencontré un beau jeune homme. Et nous nous sommes mariés. Une dispense a été nécessaire vu mon jeune âge. L’élu de mon cœur s’appelait Ambroise.
Là, elle s’arrête, me regarde avec attention et se demande si je l’écoute attentivement. Oui, gentille grand-mère, rassure-toi, je ne perds pas une miette de tes confidences.
Elle comprend à mon clin d’œil que je la suis dans ses souvenirs. Je continue, me dit-elle.
« Ce fut une nouvelle vie, pleine d’évènements successifs.
Nous vivions dans une jolie petite ferme qu’un vieil oncle avait mise à notre disposition.
L’année suivant notre mariage une jolie brunette est arrivée dans notre foyer. Encore une année et un joli petit garçon est venu agrandir le cercle familial. ..Nous étions en 1939.
Début de la Seconde Guerre mondiale. Début des restrictions.
Début de jours difficiles en raison du conflit qui se rapprochait de nos campagnes.
Je te résume l’essentiel : un matin de 1943, des Allemands sont arrivés dans notre ferme. Poliment, mais très fermement et les armes à la main, ils ont expliqué qu’ils s’installaient dans notre maison et que désormais on devait vivre dans l’étable à quelques pas de là. Nous n’avons pas eu le choix.
Avec mes deux amours en bas-âge, ce fut une période périlleuse. On avait quand même le droit d’exploiter notre ferme à la condition de leur fournir régulièrement du lait, des légumes et des volailles.
Ils ont toujours été corrects mais on vivait la peur au ventre.
Je marchais en galoches et mon mari portait des chaussettes russes. Ah, tu ne sais pas, beau raminogrobis, ce que sont des chaussettes russes : je t’explique. Nous coupions un carré de toile de jute dont on s’entourait le pied, le tout enfilé dans des bottes ou des sabots.
Le jour de la débâcle, les occupants sont partis très vite en laissant derrière eux un plein chaudron de chocolat au lait. Il y avait bien longtemps que ce délicieux fumet n’avait pas chatouillé nos narines. Malgré tout nous l’avons jeté sans y goûter.
Ce fut la libération avec un grand ‘L’, avec la joie que cela a engendré.
Vois-tu mes souvenirs s’effacent un peu mais je peux dire que ce fut une succession de petits bonheurs. On re-découvrait la vie.
A la fin de la guerre nous avons vendu la ferme et nous avons acheté une jolie longère aux colombages blancs et bruns dans un bourg qui possédait tous les services utiles à la vie qui reprenait avec entrain.

Après toutes ces années de privation, on la savourait doublement la vie. Mes enfants grandissaient sagement, mon mari portait fièrement les guêtres à la mode et moi j’essayais de rendre ma petite famille heureuse.
J’ai connu de grands changements dans la vie de tous les jours : l’électricité et l’eau courante sont arrivées dans notre quotidien. La T.S.F. aussi ! Que de progrès !
Même les voyages devenaient possibles. Découvrir enfin Paris qui, auparavant semblait inaccessible ! Il a même fallu s’adapter. Je me rappelle qu’avant la guerre mon Ambroise partait à la chasse en mobylette avec une veste équipée d’une gibecière, laquelle lui servait à transporter son Loulou de Poméranie. Ce chien s’appelait Zouzou et il adorait ces balades en forêt. Il était impatient de sauter dans la poche de la gibecière ! Visualisez la petite scène : la tête du chien d’un côté, la queue en panache enroulée de l’autre! Et en avant la troupe sur la mobylette !

Un peu avant les années 60, ma fille a mis au monde une fille, ce fut ma première petite fille. C’était un bonheur de blondinette. Nous partageons toutes les deux beaucoup de connivence et de tendresse filiale. Toujours elle prend soin de moi, elle n’oublie pas sa petite enfance où je la gâtais et lui apprenais à découvrir la vie.
Peu avant les années 80, elle a eu un beau petit garçon, c’était mon premier arrière-petit-fils. C’est avec joie que j’ai aidé à guider ses premiers pas. Depuis c’est plutôt lui qui guide les miens un peu moins assurés chaque année. »
Ce sont, tous les deux, mes bâtons de vieillesse.
Dis donc beau chat, j’ignore ton nom, mais vois-tu l’histoire de ma vie s’avance et je suis ravie que tu m’écoutes toujours aussi sagement.
C’est vrai que je l’écoute, fasciné par sa petite voix, aux intonations tantôt gaies, tantôt tristes.
D’ailleurs une idée me traverse l’esprit : si je calcule bien mon élan, je pourrais, à n’en pas douter, atterrir sur ses genoux. Mais elle me paraît si frêle que je renonce à ma cabriole, je me contente de lui adresser quelques miaulements de bonheur.
Soudain j’entends un bruit de clé dans la serrure de la chambre. Les filles sont déjà de retour ! Je dois avouer que le temps m’a paru bien court aujourd’hui. Ma vieille Mémé et moi, on ne s’est pas aperçu que le soleil avait décliné et qu’il commençait à iriser le Mont Blanc.


Après un bon étirement, je m’empresse d’aller accueillir ma maîtresse.
Quelques jours encore au rythme des balades en montagne, puis c’est l’au-revoir à Chamonix.

Nous prenons le chemin du retour, par la Bourgogne, où nous avons fait une halte à Vonnas au pays de Georges Blanc.


Et puis, nous rentrons dans notre Normandie natale où m’attendent mes compagnons félins qui ont été affectueusement gardés par nos amis. Je suis heureux de les retrouver.
Dehors, ça fleure bon le lilas, les pommiers en fleurs et le cassis-fleur. Mes narines reniflent avec plaisir toutes les senteurs de mon jardin où virevoltent la nouvelle couvée des hirondelles, crû 2016.

A bientôt…

Au Pays du Mont Blanc

Présentement , j’ai les pattes sur la page d’écriture de ma maîtresse, et il paraît que ce n’est pas facile pour qu’elle transcrive toutes mes idées !
Enfin il faut bien que je sois tout près d’elle pour lui « souffler » tous mes souvenirs !
Commençons donc ce chapitre qui concerne notre séjour préféré, c’est-à-dire nos belles journées au Pays du Mont Blanc.

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web-IMG_5800.JPGNous y avons nos habitudes ! Tous les ans depuis que je suis né nous faisons un séjour à Chamonix. Nous réservons toujours une chambre au charme savoyard, douillette, décorée avec goût, face au Mont Blanc en plein cœur de la ville.

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J’ai découvert le Mont Blanc alors que j’étais un adorable chaton de quelques semaines. Je buvais mon biberon face à ce majestueux panorama que sont le Mont Blanc, le Dôme du Goûter et autres monts célèbres.

IMG_4569.jpgSur une terrasse fleurie de géraniums, mes grands yeux bleus tournés vers les cimes, je tétais goulûment mon repas. Après j’entamais des siestes dignes de mon petit âge.
Depuis j’ai grandi, et en cette année 2015, je suis devenu un beau chat adulte, modeste de surcroît, aux longs poils noirs et soyeux et je peux vous conter de bien belles promenades en montagne.
A notre arrivée, après notre installation dans ma chambre préférée avec balcon au-dessus de l’Arve et grande baie face aux Aiguilles de Chamonix (prononcer Chamoni), nous nous sommes promenés dans le cœur de Cham’, en particulier sur la place Balmat où est érigée depuis 1887  une belle statue du savant Horace-Bénédict de Saussure et de Jacques Balmat pointant de sa main droite le Mont Blanc.

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Ce geste si simple du guide à son client, c’est tout un symbole, un rêve, une réflexion. Il nous invite à gravir ce sommet, à évaluer toute la démesure de l’effort à accomplir et de la souffrance du corps à corps avec la montagne, c’est émouvant.Ma maîtresse est heureuse d’être là et moi je suis content de la voir sous le charme.
Il fait doux, c’est un mois de mai idéal, le soleil bientôt couchant irise de feu le Mont Blanc. Nous sommes en pleine osmose avec ce paysage grandiose, beau, majestueux et effrayant à la fois.

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Grandiose, c’est le plus haut sommet d’Europe occidentale, nous le regardons avec respect.
Beau, le coucher de soleil sur la montagne est spectaculaire, quand on regarde le glacier des Bossons on dirait une coulée de lave qui descend calmement jusqu’au village des Houches. C’est sur ce glacier que se situe le drame  du « Malabar Princess » évoqué dans le film tourné en 2003/2004 avec Jacques Villeret.
Majestueux, tout n’est que grandeur, hauts sommets blancs et parois vertigineuses.
Effrayant, il suffit de se remémorer la première ascension du Mont Blanc appelé auparavant « La Taupinière ».
Les deux pionniers de cette immense aventure sont Jacques Balmat et le Docteur Paccard. Nous sommes au 18ème siècle, très exactement le 8 août 1786.
Je vais vous raconter cette première ascension réussie par Jacques Balmat, paysan, guide et cristallier de profession. J’ai pour lui une profonde admiration et beaucoup de respect.
De nombreuses expéditions avaient été tentées auparavant, mais par superstition, personne ne voulait passer la nuit en haute montagne et il était impossible d’atteindre le sommet en une seule journée.
Ainsi, en juin 1786, deux caravanes partent à l’assaut du Mont Blanc, le mauvais temps les oblige à rebrousser chemin sauf Jacques Balmat, qui, avec une volonté de fer et une solide connaissance de la montagne reste seul dans le froid et les vents violents. Il passe la nuit sur le « petit plateau » .
Au petit matin, sa progression vers la cime l’a convaincu, il a la certitude de pouvoir atteindre « son Mont Blanc ». Il a 24 ans.
Quand Jacques Balmat redescend à Chamonix personne ne pensait le revoir !
Cette expérience montre que l’ascension pourra être faite en plusieurs étapes. C’est ainsi qu’avec le Docteur Paccard, médecin à Chamonix, passionné lui aussi par la montagne, ils décident d’entreprendre, en secret, leur première ascension. Au regard de la météo elle est décidée le 7 août 1786.
Muni ce jour-là, de son sac garni d’une couverture de laine et d’un peu de nourriture, de sa « piolete » et de son long bâton de frêne à pointe ferrée, Jacques Balmat se met en route avec Michel-Gabriel Paccard.
Ils bivouaquent le 7 au soir au sommet de la montagne de la Côte (rappelons que ce sont des pionniers, pas de refuge, aucune re-connaissance précédente), la nuit le froid est intense sur les glacières.
Dès 4 heures le lendemain matin, ils repartent à l’assaut de la « Taupinière ». Une immensité blanche les domine et les attend. Presque d’instinct ils adoptent le ‘pas de la lotta’, et ils marchent, et ils grimpent, haut, toujours plus haut. C’est une ascension harassante et ils sont aveuglés par le soleil. Ils atteignent enfin le sommet à 18 h 23 exactement. Envahis d’une joie violente et d’un bonheur profond, ils oublient leur fatigue et leurs souffrances .
Deux enfants du pays seront donc les pionniers du Mont Blanc !
Ils redescendent à 18 h 57. Nous sommes le  8 aôut 1786.

M. Horace-Bénédict de Saussure, savant et philosophe genevois, aime profondément le Mont Blanc, le gravir est un peu l’obsession de sa vie ; quand il apprend la réussite de Jacques Balmat, il voit alors la possibilité de réaliser son rêve. Il a, lui, 46 ans. Les mauvaises conditions climatiques de l’été 1786 l’obligeront à retarder ce rêve jusqu’en août 1787. (Il avait d’ailleurs promis une récompense à celui qui réussirait à vaincre ce sommet et l’emmènerait enfin jusqu’à l’inaccessible).
Se prépare alors une grande expédition . Ils sont une vingtaine. Ils atteignent le sommet le 3 août 1787 à 11 h 30. M. de Saussure fait des mesures et des expériences. Il évalue l’altitude du Mont Blanc à 2 450 toises. Après 3 heures passées au sommet et un dernier regard sur la vallée et les aiguilles, le « vieil amoureux » du Mont Blanc et ses guides entament leur retour.
Le cristallier est devenu un héros, son nom sera désormais Jacques Balmat dit « Mont Blanc ». Il devient célèbre. Cinquante ans plus tard Alexandre Dumas demande à le rencontrer et relatera longuement leur entrevue dans ses « Impressions de voyage en Suisse, ‘du Mont Blanc à Berne’ » 1833-1834.

Ce bref récit de notre héros se termine, bien que j’aie une multitude de choses encore à raconter. C’est le superbe livre de Jean-Pierre Spilmont « Jacques Balmat, héros du Mont Blanc » qui nous a servi pour la préparation de notre voyage en forme de rêve, pour nous aussi, au Mont Blanc.

Maintenant profitons des autres découvertes de notre séjour.
En bon « chat-moniard », j’ai pris le célèbre petit train rouge du Montenvers pour me rendre à la Mer de Glace. Au début je n’étais pas trop rassuré, la voie est à flanc de montagne, le vide un peu vertigineux, c’est impressionnant et le cliquetis de la crémaillère me ‘chat-touille’ les oreilles,  mais la beauté du paysage l’emporte sur mon petit stress. Je décide de profiter au maximum de la beauté du panorama.

Après un trajet d’une vingtaine de minutes en forêt , la surprise au dernier virage est époustouflante, nous découvrons cette curiosité connue dans le monde entier : la Vallée Blanche. Hélas, chaque année la Mer de Glace régresse et il est temps que je monte là-haut pour en profiter. Nous découvrons des sommets prestigieux comme les Drus (3754 m) et les Grandes Jorasses (4205 m).

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On fait maintes photos, le site est grandiose, l’air est pur, le ciel est bleu, les choucas (ou les chocards, je n’ai pas bien vu) volent au-dessus de nos têtes, alors nous en profitons. Nous marchons longuement, doucement aussi, parce que ce n’est pas facile de s’improviser montagnard et je manque un petit peu d’entraînement, mais le soleil qui nous accompagne tout au long de cette journée nous permet de stocker de beaux souvenirs pour nos longues journées normandes cet hiver.

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web-IMG_5728.JPGUn repas savoyard à l’hôtel du Montenvers le midi nous permet de reprendre des forces et de vivre un petit moment dans ce restaurant d’altitude où les lambris ont une âme et nous racontent une histoire. Je me sens prêt à re-vivre les débuts de l’alpinisme !
Et puis vient l’heure du dernier train, nous redescendons dans la vallée, je suis bien fatigué par le grand air et la belle balade, doucement je me pelotonne contre les genoux de ma maîtresse et je me laisse bercer par le cliquetis de la crémaillère, cette fois je joue le grand habitué, je ronronne et je m’endors !
Après une bonne nuit réparatrice, frais comme un gardon, je suis prêt à repartir.
Nous passons la journée suivante au Parc du Merlet, toujours accompagnés du soleil, on se promène longuement au milieu des animaux de montagne, on flâne, on admire, je suis si heureux et je me sens si bien que j’ai l’impression de ‘toucher les étoiles’, il faut dire que ça nous change du niveau de la mer, car là on respire à plus de 1500 m d’altitude.

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Au détour d’un chemin je suis tout émoustillé, je découvre des petits animaux avec qui je pourrais jouer (enfin je crois) mais ils sifflent, ils se tiennent debout sur leurs pattes arrière, je suis perplexe mais vous, je sais que vous les avez reconnues : ce sont les marmottes. Intrigué je les observe, je suis pantois et subjugué, c’est décidé j’adore les marmottes !

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Nous continuons cette promenade enchanteresse, on a l’impression d’être sur un balcon exceptionnel nous permettant d’admirer le Mont Blanc dans toute sa splendeur. On se repose à l’ombre des épicéas, puis la randonnée reprend. En fait j’aimerais vous faire découvrir un mot qui correspond à mon état d’âme : nous faisons une belle « randonnade ». Les petits oiseaux chantent à tue-tête, nous respirons des essences inconnues de mes narines, mais quel bonheur !

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Le soir, je suis encore bien fatigué, il ne faut pas me prier pour que, bien lové je commence ma nuit, mes songes sont peuplés d’animaux jusqu’alors inconnus pour moi, je rêve de mouflons, de chamois, de daims, et de marmottes très joueuses et siffleuses !
Pendant mon premier sommeil, les filles sont allées se restaurer avec bonheur dans un restaurant très typique sur la route d’Argentière. Elles rentrent ravies et font aussi de beaux rêves !
Le lendemain c’est jour de marché à Chamonix ; ma maîtresse et son amie sont aux anges, elles vont découvrir les produits locaux, les décorations montagnardes, tout un programme qui me laisse, je dois l’avouer, indifférent et je juge plus prudent de rester à faire une sieste sur le balcon au-dessus de l’Arve. Je dois reconnaître que « ma rivière » enfin «  mon torrent » est un peu bruyant, ses eaux sont quasi tumultueuses, sa couleur est d’un vert presque blanchâtre, en fait c’est l’époque de la fonte des neiges et on dit qu’elle charrie « le lait des glaciers », je lui pardonne alors son tumulte. Je contemple les aiguilles de Chamonix, de mon pouf j’ai devant moi la plus haute, l’Aiguille du Midi, elle culmine à 3 842 m et elle doit son nom au fait que lorsqu’on est sur le parvis de l’église Saint Michel, le soleil à midi se trouve juste au dessus d’elle. Elle a été gravie pour la première fois en 1818. Mon esprit gambade et je me prends à rêver d’escalade ! C’est tout juste si Jacques Balmat ne m’accompagne pas !

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Tout à coup je sursaute, ma maîtresse rentre, je ne dirai pas qu’elle est chargée de paquets, mais quand même, je pressens qu’au retour j’aurai moins de place sur la banquette de la voiture ! Il faudra bien « caser » toutes ses emplettes ! Elle est ravie, elle a déniché un coffin, mais heureusement elle a renoncé à la luge en bois qui la tentait. Je suis toujours rassuré quand elle est en pleine forme et joyeuse. Elle en profite pour me gratouiller savamment juste derrière les oreilles ! Moi aussi je suis heureux !
Le marché terminé, les magasins passés en revue, on reprend notre bâton de pèlerin !
Cet après-midi nous ne quitterons pas Chamonix, elle a prévu de m’emmener au cimetière des guides. Je dois dire que c’est un moment intéressant, qui dégage un certain charme, dans un calme serein. Je vais essayer de vous en décrire l’ambiance. Le cimetière du Biollay, c’est un peu l’âme de Chamonix, quand nous entrons de grands cyprès nous accueillent dans ce lieu de recueillement. Les tombes sont fleuries, la plupart sont en granit, toutes simples pour de bien grands hommes, des « héros de la montagne » morts dans leurs escalades. Ce qui nous intéresse et retient notre attention ce sont les épitaphes avec l’endroit de la montagne où sont morts les guides, certaines tombes ont des reliques,  là un piolet, ailleurs des skis, et bien d’autres souvenirs…

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web-IMG_5887.JPGNous avons fait un quasi pèlerinage, on voulait voir, entre autres, la tombe de Edward Whimper  (1840-1911). Il repose sous une pierre tombale en granit qui a la forme du Cervin  (en souvenir de son ascension en 1865, je vous raconterai son histoire quand nous irons en vacances à Zermatt au pied du Matterhorn). Nous nous sommes arrêtés à la tombe de Joseph Ravanel (dit le Rouge en raison de sa chevelure rousse) (1869-1931). Joseph Ravanel a servi de modèle à Roger Frison Roche pour son livre « Premier de Cordée ». Nous nous sommes recueillis également sur la tombe de Roger-Frison Roche (1906-1999).

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Une grande stèle s’élève à la mémoire des guides de haute montagne, la liste est impressionnante. On regrette de ne pas y trouver le nom de Jacques Balmat.

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Sous nos yeux c’est l’histoire des pionniers de la haute montagne, ces hommes pour qui le destin est au bout d’une corde, à la merci d’un accident à chaque instant. Nous avons beaucoup de respect pour leur courage, leur audace et leur simplicité. Qu’ils reposent en paix, le Mont Blanc veille sur eux.

En quittant le cimetière du Biollay, nous flânons dans Chamonix, avenue des Allobroges on aperçoit ainsi « la maison de Maurice Herzog ». C’est la Villa de la Tournette, elle fut construite  et habitée par les frères Jules et Joseph Couttet. Datant de 1926, c’est une maison de caractère, étrange et fantaisiste. Elle appartient maintenant à la ville de Chamonix.

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Puis nous nous dirigeons vers le Musée des Cristaux. Nous y découvrons, entre autres, les minéraux du Mont Blanc et des Alpes. C’est un monde merveilleux. lI nous est permis de « caresser » une très belle pierre. Mes coussinets sont remplis d’émotion et de bonheur. Cette pierre est douce à souhait !
À l’occasion des 150 ans de l’alpinisme, une exposition très intéressante nous passionne et nous permet de voir la sacoche de Jacques Balmat ». Toujours notre héros !

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Toutes ces visites nous ont donné faim et je ne donne pas ma place lorsqu’il s’agit d’aller au salon de thé déguster le fameux « mont blanc ». Gâteau, juste à mon goût, j’en salive rien qu’à son souvenir !

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La journée a été bien remplie, un gros ronron s’impose, je retrouve ma couette préférée et je m’endors bien volontiers.
J’allais oublier de vous raconter une autre belle balade matinale et pédestre sur les « petits balcons sud de Chamonix ». C’est un moment délicieux, nous commençons par longer l’Arve, bruit de torrent, flore en plein expansion, puis vient une bonne petite montée dans la forêt et là nous découvrons la chaîne d’Argentière au Mont Blanc. Le soleil ne nous quitte pas, le ciel est d’un bleu limpide presque aveuglant. C’est encore une belle promenade à inscrire dans mes mémoires.

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web-IMG_5979.JPGCet après-midi là, nous prenons la voiture pour profiter un petit peu de la vallée. Nous voici à Argentière où nous achetons quelques petits souvenirs, on visite le village et en particulier l’église baroque.  Le grand autel en bois sculpté est de facture autrichienne. Le clocher restauré en 1987 est recouvert de 3000 écailles de fer blanc étamé. Ils lui donnent des reflets changeants suivant l’heure et le temps.

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Par exemple, le clocher à bulbe de l’église de Chamonix est en titane. Ces constructions typiques me fascinent.

Après, nous allons jusqu‘à Vallorcine et on est à deux pas de la Suisse. Mais il nous faut rentrer, alors demi-tour et joyeux intermède dans le « jardin de notre hôtel »  où j’aime faire un petit somme sur les fauteuils accueillants de la terrasse.
À part, quelques petites virées que nous avons faites ici et là, notre séjour au Mont Blanc, hélas, se termine et les « Monchus » que nous sommes  repartent, joyeux, les yeux remplis de cimes enneigées, vers notre Normandie natale.